ALGUES VERTES:par la journaliste Alexandra Chaignon.
article paru dans "L'Humanité" du 26 juillet 2017.
« Il y a urgence sanitaire à signaler les dangers »
Cap Coz, à Fouesnant (Finistère).
Lorsqu’elle pourrit, l’algue verte dégage du sulfure d’hydrogène (H2S), un gaz
aussi toxique que le cyanure.
La prolifération des algues
vertes a un coût environnemental et économique, mais elle engendre aussi un
risque pour la santé publique.
Sept cent mille euros.
C’est le
coût du ramassage et du traitement des algues vertes pour l’agglomération
Lannion-Trégor.
Si l’État en prend en assume une grande partie, reste à la
charge des collectivités quelque 30 000 euros.
Un coût non négligeable, qui
s’ajoute à d’autres, supportés notamment par les acteurs économiques du
littoral.
Ces « salades » perturbent ainsi le travail des conchyliculteurs
(producteurs de coquillages), qui se voient contraints de retourner fréquemment
les « poches » dans lesquelles sont élevées les huîtres, colmatées par les
algues vertes.
Le temps de travail de l’ensemble de ces professionnels est
multiplié par quatre.
« Si un cheval n’était pas mort
en 2009, il ne se serait rien passé »
Ces marées vertes ont aussi un
impact sur l’image de la région, les élus locaux ne manquent pas de le
rappeler.
« C’est un sujet qui impacte l’image de la Bretagne, avec des
incidences sur le tourisme, l’économie », concède Thierry Burlot,
vice-président de région chargé de l’environnement, qui relativise le phénomène
en indiquant que « seuls 20 kilomètres, sur les 2 700 que compte le littoral
breton, sont touchés ». Une étude du commissariat général au développement
durable (CGDD) sur l’impact des algues vertes sur le tourisme montre cependant
une inflexion très limitée, de l’ordre de 2 %, de la fréquentation touristique,
entre 2006 et 2012.
« Les autorités ont tendance à
considérer que tout va bien. Si un cheval n’était pas mort en 2009, il ne se
serait sans doute rien passé », estime Gilles Huet, délégué général d’Eau et
rivières de Bretagne.
Car, au-delà du coût économique, les algues sont un
risque majeur pour la santé publique. Si les ulves ne sont pas directement
dangereuses pour l’homme et les animaux, elles le deviennent au bout de 48
heures, quand elles commencent à pourrir et dégagent de l’hydrogène sulfuré
(H2S). Ce gaz très toxique peut entraîner des effets sur la santé : de la gêne
respiratoire, à la mort… C’est ce qui est arrivé à deux chiens en 2008, un
cheval et un chauffeur déchargeant des algues putréfiées en 2009, des sangliers
en 2011 et enfin à un joggeur en septembre 2016.
« Les autorités ont longtemps
minimisé les choses »
Pourtant, les pouvoirs publics
rechignent à reconnaître haut et fort les dangers. Dans l’affaire du joggeur
retrouvé mort dans les vases du Gouessant, à Hillion, le 8 septembre 2016,
plusieurs spécialistes en toxicologie avaient affirmé que les informations
communiquées par le procureur de la République étaient des « signes concordants
d’une intoxication aiguë au sulfure d’hydrogène ». Néanmoins, le parquet de
Saint-Brieuc a classé l’enquête sans suite, parce que les « causes du décès »
du joggeur seraient « incertaines ». « Contrairement à ce qu’elles affirment
publiquement, les autorités ne semblent avoir aucun doute sur le rôle de l’H2S
dans ce décès, puisqu’elles n’ont pas jugé nécessaire de faire une autopsie »,
analyse Claude Lesné, médecin honoraire au CNRS, qui craint qu’en refusant
d’enquêter sur ce décès, les pouvoirs publics protègent avant tout l’économie
du tourisme et l’élevage industriel. Et regrette que « les autorités aient longtemps
minimisé les choses. Et le système est toujours verrouillé dans les
tribunaux ». « Trop longtemps, il y a eu négation de l’évidence de la part de
la CPAM, des entreprises, de l’État, corrobore Me Lafforgue, l’avocat de la
famille du chauffeur décédé en 2009, qui espère faire reconnaître ce décès en
accident du travail. Si on obtenait cette reconnaissance, cela permettrait
d’ouvrir une brèche, d’inciter les pouvoirs publics à prendre des mesures plus
efficaces. »
Ces situations incitent la population à
sous-estimer le danger, conclut André Ollivro, d’Halte aux marées vertes : « Il
est criminel de ne pas signaler aujourd’hui ces dangers, par peur d’effrayer
les touristes fréquentant les plages bretonnes. » Et le militant de demander
aux pouvoirs publics d’agir, de « signaler la présence de ces gaz en installant
des panneaux. Ils sont dans le déni du danger des algues vertes. C’est une
urgence sanitaire ».
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